Il porte à longueur de mois un pantalon en velours marine très dense, presque noir, aux plis parfaits, précousus, qui tombent comme des arêtes, de sa taille au milieu de ses chaussures poitues et éternellement vernies, brillantes comme des miroirs.
Il a sur le crane une masse de cheveux indéfinissable, peut-être comme une chataïgne mure ou une chevelure de poupée, les boucles figées, presque collées, jamais un poil rebelle ou dressé en épi.
Comme s'il fallait faire ressemblant, mais à quoi ? Mais surtout il faut que cela tienne. Tout est prothèse en lui, les minis micros au fond des oreilles, les lentilles plaquées sur les globes oculaires, les deux machoires... Tout est propre comme des sous neufs. Retirées le soir, nettoyées et rangées dans des gobelets séparés pour être retrouvées le lendemain matin, il démonte et il remonte, il sait qu'il est fait de toc.
Il arrive avec un sourire total, exhibant sa denture parfaite, d'une blancheur éclatante, il serre toutes les mains, très fort, il plaisante, raconte vite ses histoires du jour extraites de son almanach Vermot, éclate de rire avant les autres, une pirouette et repart comme un pantin.
On se croirait en face d'un homme de cire à qui l'on a donné la vie et qui veut se persuader qu'il est bien vivant, mais c'est un quasi.
Je le croise tous les jours et de temps à autre il consent à me dévoiler une partie de son mystère.