Ci-dessous, le texte de ma déclaration qui sera lue par ma fille Juliette Memmi, à l’inauguration de la plaque au nom de mon frère Albert Memmi, qui ornera la place à l’angle de la rue du Temple et de la rue de la Verrerie, dans le 4e arrondissement de Paris :
« Te voilà installé, mon cher frère Albert, au regard de toutes et de tous, dans ton propre quartier, à quelques minutes à pied de l’appartement que tu as occupé au 5 rue Saint-Merri, sans interruption, à partir du 1er novembre 1956 et jusqu’à ton dernier souffle le 22 mai 2020 soit pendant près de soixante-quatre ans. Ce quartier du Marais que tu aimais par-dessus tout, parce qu’il était proche de la Seine, du Quartier latin, de la Sorbonne, Paris, cette ville que jamais tu n’aurais quittée, pour aucun autre lieu du monde, dont tu étais, me disais-tu, amoureux, presque charnellement.
Je sais qu’il t’arrivait d’être amer de n’avoir reçu aucun grand prix littéraire national pour récompenser ton œuvre immense, reconnue par tous, et traduite dans plus de trente pays, persuadé, à juste titre, que tu aurais mérité le Renaudot pour n’importe lequel de tes Essais, le prix Fémina pour Agar, et surtout le prix Goncourt pour ton prodigieux roman Le Pharaon.
Tu m’avais dit, et je sais que tu l’avais répété à des amis tunisiens, que tu rêvais d’une rue, ô, d’une simple petite rue dans Tunis que tu n’avais jamais oublié.
Aujourd’hui, n’est-ce pas la plus belle, et la plus émouvante consécration que l’on t’offre, en créant une place, non pas à Tunis, puisque finalement les Tunisiens ne t’ont pas compris, mais à Paris, au sein même de ton quartier, à deux pas de l’Hôtel de Ville de Paris, à ton nom, oui, Albert Memmi, pour la postérité. Tout d’abord la Matie de Paris avait pensé à ajouter à ton nom Écrivain et philosophe, puis c’est Hommes de lettres, défenseurs des minorités qui a été retenu.
Quels mots pour exprimer notre émotion et notre fierté, nous tous, qui t’aimions avec respect, et t’admirions pour ton intelligence et ta simplicité. Tes trois enfants d’abord : Daniel, Dominique et Nicolas, et nous, tes quatre sœurs : Ginette, Edna, Denise et Madeleine, tes trois frères : Georges, Yigal et moi-même, Max, ton petit frère, dont je sentais bien que j’étais ton préféré. Et les si nombreux neveux et nièces, puisque cette progéniture a généré, m’a -t-on dit, une descendance de plus de cent personnes.
Toi qui, malgré ton esprit farouchement rationaliste, refusais de croire à une quelconque forme de vie après la mort, mais qui rêvais tout de même de laisser une trace, et bien te voilà comblé, une place publique à ton nom, une place, mieux qu’une rue, car une place, c’est comme un carrefour ? Ce carrefour symbolique auquel tu t’es toujours confronté.
Et pour conclure, quoi que tu aies pu dire à ce sujet, allez, je te souhaite, tout de même mon cher frère Albert, une douce béatitude dans une éternité heureuse… Pas trop studieuse, tout de même".
Max Memmi ce 21 juin 2022